J'ai accouché à 21h06 après 12h de travail. Ma fille m'a été enlevée au bout de quelques secondes car ils estimaient qu'elle respirait mal. Je suis restée seule dans la salle de naissance avec un interne qui ne m'a pas décoché un seul mot tout en m'appuyant sur le ventre pour faire sortir le placenta et en faisant un peu de couture sur mon périnée. Premier exemple flagrant d'un manque de psychologie.
Au bout de longues minutes, mon mari est enfin arrivé avec notre petit trésor que j'ai pu prendre dans mes bras. J'ai voulu lui donner le sein pour la tétée d'accueil mais la sage-femme me l'a reprise tout de suite car elle ne respirait toujours pas bien, il fallait faire une radio. J'ai éprouvé un manque incommensurable à voir de nouveau ma fille disparaître de mes yeux, surtout sans savoir si tout allait bien ou pas. Annoncer à une mère asthmatique que son bébé d'une heure respire mal, c'est un crève-coeur, rien de pire pour culpabiliser. Finalement, tout était en ordre, elle n'avait rien. J'ai pu la récupérer au bout des 2h d'observation, direction notre chambre.
Arrivée dans la chambre, la puéricultrice* m'a proposé de prendre ma fille pour la nuit. Non ! Pas tout de suite, je n'avais pas encore eu le loisir de la regarder, je voulais quand même passer un peu de temps avec elle. J'ai mangé quelques biscuits puis j'ai sombré dans le sommeil, le berceau de ma fille à mes côtés.
JOUR 1
Je me suis réveillée à 7h30, en pleine forme, prête à courir un marathon (enfin si j'avais pu poser un pied par terre). Le berceau avait disparu alors j'ai paniqué un moment puis je me suis dis qu'ils avaient dû la récupérer dans la nuit. Heureusement, je n'ai pas eu à attendre très longtemps avant qu'il me l'apporte. Je fais, enfin!, connaissance avec ma fille. J'essaye de lui donner le sein mais ce n'est pas très concluant, elle n'arrive pas à le garder en bouche. Je ne m'affole pas, je connais le livre de la Leache League par coeur, je sais que ça va venir.
En début d'après-midi, ma belle-soeur et son mari viennent nous rendre visite. Je propose de sortir dans une petite salle prévue à cet effet avec canapé pour ne pas déranger ma voisine de chambre mais je ne peux pas prendre le berceau: ma fille est recouverte d'une couverture chauffante branchée au mur. Je demande si je peux lui retirer un moment, refus catégorique. On s'entasse dans la chambre...
Plusieurs fois dans la journée, j'essaye de donner le sein mais ça ne marche pas. Je ne comprends pas ce qui cloche, j'ai une bonne position mais ma fille se tord et lâche le sein sans avoir rien pris.
JOUR 2
Dans la nuit, je sens que la couche de ma fille est pleine. Je me lève et erre dans les couloirs à la recherche d'une puéricultrice qui m'expliquerait comment faire. Je ne suis pas bête, je sais bien qu'il suffit de retirer la couche, de nettoyer et d'en mettre une autre mais on ne sait jamais, j'aimerais être supervisée pour ma première fois et les conseils sont toujours bons à prendre. Je tombe sur une puéricultrice qui me dit que normalement ce n'est pas elle qui s'occupe de ce côté du couloir, elle souffle, lève les yeux au ciel et me conduit dans la nursery à contre-coeur. J'ai envie de m'enfuir en courant, je suis maman depuis 24h et j'ai déjà l'impression de tout faire de travers.
Le matin, je lui donne son premier bain en compagnie du papa, nous sommes comblés, tout se passe bien, je me dis que nous serons de super parents et qu'on s'en sortira très bien !
En début d'après-midi, ce sont ma belle-mère et ma seconde belle-soeur qui viennent nous rendre visite. De nouveau, je leur propose de sortir sauf qu'on nous arrête devant la porte: il faut que la petite mange, interdiction de sortir et mise au sein ! Devant mes visiteurs, ma voisine de chambre et son mari, la puéricultrice fourre mon sein dans la bouche de ma fille et le presse. A ce moment, je suis un peu gênée mais j'ai surtout envie que ça marche alors je ne dis rien. Ma fille boit 3 gorgées et la puéricultrice sort de la chambre, ravie, en me disant de continuer comme ça. Evidemment, la miss lâche le sein immédiatement et refuse de le reprendre. On reste tout l'après-midi dans ma chambre, mes visiteurs en pleine conversation et moi les seins à l'air (c'était deux femmes, je n'aurais sûrement pas été aussi à l'aise s'il s'était agit de mon beau-père...).
Le soir, je me replonge dans la lecture de mon livre pour comprendre ce qui ne va pas. J'essaye toutes les positions possibles et imaginables sans succès, ma fille n'arrive pas à garder le sein en bouche. Les puéricultices ne m'aident pas, elles me disent que c'est simple, il suffit de mettre le sein dans la bouche de bébé. Elle ne comprennent pas que le problème vient justement de là.
JOUR 3
C'est de pire en pire. Voilà 2 jours que ma fille n'a rien mangé, elle maigrit à vue d'oeil et s'énerve. C'est là que je vois où est le problème: elle tord trop la tête et ne se trouve jamais en face de mon sein, en fait elle lève la tête complètement et la tourne sur le côté. C'est difficile à expliquer, disons que si j'essaye la position madone, par exemple, son ventre collé sur le mien, elle se retrouve à têter... mon bras. Je commence à désespérer quand je lis partout que pour un bon allaitement, il suffit que bébé ait bien le téton en bouche, si ça pouvait être si simple !!! Pleins de conseils sur les crevasses mais rien sur les bébés qui se tordent ! Je n'ai que deux mains, je ne peux pas la porter, lui tenir la tête et tenir mon sein en même temps. J'essaye la position couchée à ma façon: je la pose sur le dos et met mon sein près de sa tête, ce n'est pas très concluant. Une puéricultrice entre à ce moment-là et m'engueule fortement, ce n'est pas comme ça qu'on fait ! Oui bah j'essaye, bordel !! Quand elles sont là, elles pressent la tête de ma fille contre mon sein mais elle n'a pas l'air de manger, elle s'énerve plus qu'autre chose et plus elle est énervée, moins elle arrive à choper mon sein (on ne peut pas pleurer et têter en même temps, ça se saurait). Je commence franchement à désespérer.
Le pédiatre me conseille alors de tirer mon lait et on m'apporte un tire-lait électrique. Le vieux machin qui fait un boucan d'enfer et qui me donne l'impression de devenir une vache laitière. Le lait n'est pas le problème, mon sein en produit à volonté, il suffit d'une toute petite pression pour que ça gicle, le souci est ailleurs. Nous donnons son premier biberon à ma fille et ô miracle, non seulement elle ne se tord pas dans tous les sens mais en plus, elle le dévore. Mon mari et moi commençons à voir le bout du tunnel. Je me jette sur le tire-lait qui devient mon meilleur ami (dans la mesure où on oublie tout sentiment d'amour-propre, j'ai arrêté de regarder en face le mari de ma voisine de chambre à partir de ce moment).
En début d'après-midi, ma voisine de chambre me demande innocemment si nous allons avoir de la visite ce jour. Je me rends compte que j'ai pourri le séjour de ma voisine, j'ai envie de me mettre des baffes.
Le soir, nous redonnons le biberon à ma fille. Je tire 80ml mais ne lui donnons que 40ml, de peur de gâcher mon lait. Elle avale tout d'un coup, nous sommes super heureux, limite on saute de joie dans la chambre. On remplit un nouveau biberon et lui proposons mais elle n'en veut plus. Mon mari va annoncer la bonne nouvelle à la puéricultrice qui nous dit que ce n'est pas assez, elle doit boire 60ml à ce stade !! Elle attrape le biberon, l'enfonce dans la gorge de ma fille et lui malaxe la mâchoire pour l'obliger à boire. Mon mari, qui tient alors ma fille dans ses bras, est atterré, alors que je tourne la tête pour ne pas regarder. J'ai les larmes au bord des yeux et une grosse boule dans la gorge. La puéricultrice s'en va, fière d'elle, et nous restons sans voix, complètement anéanti par le spectacle auquel nous avons assisté. Mon mari vient en un instant de comprendre ce que je vis depuis 3 jours. Je prends ma fille à mon tour pour lui faire un câlin et elle vomit tout son biberon sur moi, je fonds en larmes.
JOUR 4
La nuit n'est qu'une suite d'interrogations. J'essaye toujours de donner le sein à ma fille et quand je vois qu'elle s'énerve trop, je passe au biberon. A côté de moi, j'entends ma voisine de chambre donner le sein à son fils et pleurer toutes les larmes de son corps. Il est vorace, réclame très souvent et tire fort sur son sein, elle souffre le martyr à chaque fois et demande des conseils aux puéricultrices... qui n'ont pas l'air de l'aider plus que moi. Je me demande si je suis prêtre à vivre la même chose qu'elle, ça a l'air si douloureux et ma fille accepte si bien le biberon. Est-ce que ça vaut la peine après tout ?
Le matin du 4ème jour, c'est le verdict: allons-nous pouvoir sortir de la maternité ? Les puéricultrices nous annoncent que ça dépend du poids de bébé. Avec 2 jours sans manger, ma fille est plutôt en mauvaise posture, je stresse. Je passe devant le pédiatre, elle a pris un peu de poids mais il n'est pas encore très sûr, il doit en parler avec ses collègues. La puéricultrice me propose alors d'essayer de donner le sein à ma fille en sa présence, pendant qu'il reçoit les autres parents. Oui, vous lisez bien, on me demande de m'asseoir au milieu de la nursery le sein à l'air pendant que toute la maternité défile devant le pédiatre. J'ai envie de refuser mais rien ne sort de ma bouche. Je m'asseois mais je ne bouge pas, tétanisée. Je vois les mamans défiler et je constate une chose horrible: elles ont toutes envie de partir. Le pédiatre est le geôlier qui décide qui pourra sortir ou non de cette prison. Et la grande ennemie, c'est la balance, si on pouvait mettre des poids dans les cheveux de nos bébés comme les anorexiques, on serait nombreuses à le faire. Une autre puéricultrice voit ma détresse et me propose de rentrer dans ma chambre. Nous attendons le verdict.
En début d'après-midi, la sage-femme, le pédiatre et la puéricultrice viennent nous voir. Il est décidé que nous pouvons sortir à condition de revenir deux jours plus tard pour vérifier le poids de ma fille. Je suis soulagée et nous bouclons les affaires en un temps record. En partant, j'envoie mes encouragements à ma voisine de chambre qui attend encore son autorisation. Une prison, je vous dis...
Arrivés à la maison, ma fille réclame à manger. Mon mari court à la pharmacie louer un tire-lait pendant que je tente de lui donner le sein, en vain. A son retour, je me dépêche de tirer assez de lait pour un biberon pendant qu'il essaye de la calmer en la câlinant. Je m'empresse de lui donner le biberon et elle l'avale goulûment. C'est à ce moment-là que je regarde mon mari droit dans les yeux et que je lui dis: "On laisse tomber ?" Il accepte tout de suite, il sait que je tiens à l'allaitement mais c'est trop dur psychologiquement, autant pour moi que pour lui. D'autant plus qu'il est très visuel et que me voir tirer mon lait annihile tout désir sexuel chez lui.
Deux jours plus tard, nous sommes retournés à la maternité et la miss avait repris son poids de naissance. J'ai eu les seins engorgés pendant 3 jours, j'ai souffert le martyr, mais je savais que j'avais fait le bon choix.
Alors 5 jours à ce rythme-là ? J'aurais fini en dépression, c'est sûr. S'ils allongent la durée du séjour à la maternité, qu'ils fassent aussi passer des cours de psychologie au personnel médical, qu'ils augmentent les effectifs (je veux bien croire que les puéricultrices n'ont pas le temps de s'occuper de toutes les mamans), mais en l'état actuel des choses, c'est une torture pour les mamans. En tout cas celles qui ont partagé mon temps d'incarcération.
*J'ai utilisé le terme de puéricultrice au sens général, je ne suis pas assez au fait des différences entre puéricultrice et auxiliaire de puériculture.
Je suis très émue en lisant ton récit, car il me ramène 4,5 ans en arrière pour mon deuxième petit bonhomme.
RépondreSupprimerAutant ça s'est pas trop mal passé pour mon premier enfant (même si j'étais contente de rentrer à la maison), autant pour Tilou, je me (nous) retrouve en beaucoup de points.
Je suis entièrement d'accord avec toi, 5 jours c'est bien trop. Je n'attendais qu'une chose, c'est de rentrer fissa à la maison, être dans un environnement sans stress pour mon bébé et moi.
Ton témoignage me rougit les yeux, bon sang !!
C'est tout à fait, on est stressées alors qu'on devrait être aidées. Quand ils sont venus me voir pour la sortie, j'ai dis que je préférais rentrer chez moi pour ne plus (je cite) "avoir la pression". La puéricultrice l'a super mal pris (celle qui avait gavé ma fille la veille) mais c'était sorti tout seul, c'était vraiment ce que je ressentais.
SupprimerSans allaiter mon fils, j'ai eu la meme sensation que toi à la maternité. On est allé jusqu'à me dire que je ne savais pas m'y prendre avec mon fils, qu'il reprendrait pas son poids de naissance, qu'on allait resté un jour de plus, que pour le bain (qu'on m'a laissé y donné que le 3 eme jours) elle viendrait me "noté" le lendemain, que la, elle me montrait, mais que je faisais rien (Et quoi encore, si j'y arrivais pas, elle venait lui donner le bain à la maison?)
RépondreSupprimerEt par dessus tout, mon fils est un petit mangeur, mais ca on le savait pas encore, elles m'ont forcés a le nourir plus que ce que tu lui voulais, tout ca parcequ'il etait pas au seuil de la moyenne des bébés et de ce qu'ils mangent normalement.
Heureusement que ma mere et ma belle mere qui m'appelaient tous les jours me réconfortaient, sinon, je faisais une dépression avant meme de sortir de la maternité.
Tu feras toujours (ou du moins le plus souvent possible) les meilleurs choix pour ton enfant, car toi seule, meme avec 5 jours de vie de maman, le connait.
Bon courage ma belle Cléo, je t'embrasse !
Lune.
Notre fille a aussi un appétit de moineau et à l'époque, c'était normal qu'elle mange moins que les autres, elle avait 2 jours de "retard" dans les portions, elle découvrait tout juste le biberon !! On apprend surtout à mentir ensuite, quand je la faisais peser à la PMI, je disais qu'elle prenait 90ml toutes les 3h, on me laissait tranquille, alors qu'en fait, elle en buvait à peine 60ml. Il n'y a qu'avec mon médecin traitant que je suis honnête car il ne me culpabilise pas, tant que la petite grandit et grossit, tout va bien !
SupprimerJe suis atterrée par ce que tu racontes! Mais qu'est-ce que c'est que cette maternité? Avec des puer un peu plus humaines, et sans cette "pression", peut-être que ton allaitement se serait mieux passé! Mais parfois c'est aussi un coup de "pas d'bol". Ton bébé ne voulait pas prendre la bonne position, tu n'y es pour rien.
RépondreSupprimerJ'ai eu une mater super pour ma part, je ne voulais pas partir! C'était un cocon de gens aux petits soins, que des chambres individuelles, et un personnel aux petits soins. Si seulement, j'avais pu ne pas avoir autant de visites! Je n'aime pas les visites à la mater! Les gens ne comprennent pas qu'on a besoin de repos, de mettre en place son allaitement, et ça passe par des moments de sein à l'air, dur dur quand beau papa est là!), qu'on veut profiter de son bébé, et qu'on veut juste récupérer quoi! Perso, prochain bébé: visites interdites! (et chambre individuelle...)
Ca me rassure de savoir qu'il existe quand même de bonnes maternités :) Après, il y a sûrement des mamans qui ont passé un meilleur séjour que moi, comme les mamans de plusieurs enfants, super-rodées, avec des bébés de 4.700kg, y a moins de pression lol !! Et tu as raison, pour BB2, les visites seront limitées à 1h par jour, je veux en profiter davantage.
Supprimerdes maternités de ce genre ne devraient pas pouvoir exister, c'est vraiment dur ce qui t'ai arrivé. Je te souhaite un meilleur accompagnement si un jour il y avait un autre bébé. J'ai eu plus de chances que toi avec la maternité où j'étais, mais j'ai quand même demandé à partir plus tôt, j'en pouvais plus du manque d'intimité et du controle permanent, j'avais besoin d'être chez moi. par contre faire face à la montée de lait à la maison sans personnel de santé fut un peu déroutant!
RépondreSupprimerL'autre bébé arrive bientôt, j'ai déménagé entre temps alors on verra si ça se passe mieux cette fois :D
SupprimerBah j'ai eu le même genre d'accouchement que toi..; déjà c'est horrible à vivre mais moi je béni l'équipe qui m'a accompagné merveilleusement!!! La vache c'est hard!!!
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